« Hermine, ma belle hermine, ne vois-tu rien venir? »
« Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie. »
Charles Perrault me pardonnera sans doute l’emprunt légèrement détourné de la célèbre phrase de sœur Anne dans « Barbe-Bleue » pour introduire ce carnet de terrain consacré à l’hermine.
Les rencontres avec le petit mustélidé sont toujours rares et imprévisibles. Malgré la présence de nombreux campagnols qui labourent les champs du Jura neuchâtelois, l’hermine est discrète lors de mes sorties naturalistes. Le biorythme de la belle des champs est pour moi un réel mystère. Est-elle plutôt active le matin, le soir ou sort-elle de nuit? Est-elle sensible au vent? Quelle est la durée de ses cycles d’activité en surface? Que fait-elle sous terre? Reconnait-elle ma démarche et se cache-t-elle volontairement lorsque j’approche de son terrier, ou ricane-t-elle en me voyant désespérément attendre face à une galerie de campagnol au milieu d’un pâturage?
Humour mise à part, l’hermine est un animal qui m’inspire un grand respect. Tantôt joueuse et indifférente à la présence du photographe, tantôt craintive et cloitrée dans le monde souterrain, elle offre une grande variété de comportements qui sont difficiles à comprendre et à anticiper. Hormis l’excellente thèse rédigée par Carine Vogel à l’université de Neuchâtel, la littérature scientifique dédiée à l’hermine est relativement pauvre. Si un lecteur à de bonnes références à me soumettre, je suis preneur…
Les quelques images présentées aujourd’hui résultent d’une rencontre inattendue il y a quelques temps déjà. Scrutant un pâturage à la jumelle, j’observais une buse variable posée au sol, et m’amusais de sa démarche maladroite lorsqu’elle se ruait sur un malheureux ver de terre. Un point blanc a furtivement fait son apparition à coté du rapace. Le temps de recentrer mes jumelles et il avait déjà disparu. Aurais-je eu la berlue? Le doute n’était plus permis deux minutes plus tard: une jolie chandelle immaculée s’élèvait à coté de la buse. Cette dernière restait indifférente aux charmes de la dame blanche. Les deux prédateurs ont poursuivi leurs activités à quelques mètres l’un de l’autre en s’ignorant royalement.
J’ai profité de l’envol de la buse pour m’approcher un peu. L’hermine s’est caché, puis est aussitôt ressortie de sa galerie. En chandelle, elle m’a scruté durant quelques secondes avant de reprendre sa course folle. En avant, en arrière, au fond d’une galerie puis à nouveau perchée sur une motte de terre, l’hermine gambadait à toute vitesse. Son manège frénétique et hyperactif a duré près d’une heure. Elle a soudain choisi de disparaître comme par magie et ne s’est plus montré. Heureux de cette belle rencontre, je suis retourné plusieurs fois sur les lieux durant les jours suivants en ne voyant que le ciel qui poudroie et l’herbe qui verdoie…
Val-de-Travers, le 30 mars 2019
2 Comments
Ne serais ce pas un poisson d’avril que cette hermine si gentille , en tout cas le texte en vaut la chandelle et merci pour cette belle escapade , c’est toujours un plaisir de vous lire !
Bonjour Bernadette, merci pour votre gentil message et vos visites régulières sur ces pages. Meilleurs messages.